« Un parfum est un moyen inconscient de communication».
Cette phrase est le reflet de la stratégie commerciale des grands groupes de l’industrie du luxe qui mobilisent leurs moyens afin d’être toujours plus innovants dans la création de nouvelles fragrances auxquelles chaque consommateur s’identifie.
De l’origine du parfum et de la contrefaçon
L’histoire du parfum remonte à la plus haute Antiquité. Du latin Perfumum, ce mot signifie « à travers la fumée », une étymologie qui « atteste des origines sacrées de ce qu’il est possible d’appeler un art : volatile et invisible, il était chargé de transporter les prières des hommes jusqu’aux dieux».
De l’origine de la contrefaçon
Phénomène ancien, la contrefaçon remonte à plus de 2 000 ans, ainsi qu’en témoigne le Musée de la contrefaçon qui a ouvert ses portes en 1951 et qui est géré par l’UNIFAB. Dans ce dernier, sont en effet exposées des amphores romaines. La répression de l’usurpation de marque est elle aussi ancienne, l’édit de Charles Quint du 16 mai 1544 prévoyait que les contrefacteurs encouraient l’ablation du poignet. En France, la loi du 23 juin 1857 en fait un délit. Désormais, ce sont les intérêts de l’Union européenne qui sont en jeu.
Les accords internationaux et les directives
En la matière il existe une importante directive communautaire de 1988 harmonisant la législation des Etats membres. Elle a été transposée en France par la loi du 4 janvier 1991intégrée au code de la propriété intellectuelle aux articles L. 711-1 et suivants, modifiée par loi du 5 février 1994et en dernier lieu par la loi Perben 2 du 9 mars 2004. La directive de 1988 a été modifiée à plusieurs reprises, elle a récemment été complétée par la directive du 22 octobre 2008.
Définition de la contrefaçon
Pour pouvoir parler de contrefaçon, il faut être titulaire d’un droit privatif, exclusif. La contrefaçon désigne toute atteinte portée par un tiers au droit de propriété intellectuelle d’une personne. Ce droit permet à son titulaire de pouvoir agir sans avoir à démontrer de faute ni de préjudice. Il faut néanmoins faire enregistrer son titre de propriété à l’INPI. Il y a contrefaçon dès qu’il existe un risque de confusion pour le consommateur d’attention moyenne. Mais le code de la propriété intellectuelle distingue deux types d’atteintes : celles constituées à condition qu’il existe un risque de confusion, et celles sanctionnées sans qu’un tel risque existe. C’est notamment ce que prévoit l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle disposant que sont illicites, sans exigence d’un risque de confusion « la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement », est également illicite « la suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée ». Ilconvientdedistinguerle« produitcontrefait »quiestleproduit authentiqueindûmentimité,du « produitcontrefaisant »,synonymede contrefaçon.
L’expansion et la mondialisation de la contrefaçon des parfums et cosmétiques
Les contrefacteurs ne sont plus forcément des simples artisans. A partir des années quatre-vingt-dix, une logique industrielle s’est substituée aux petits ateliers clandestins. Selon le Comité national anti-contrefaçon, la contrefaçon représenterait 10 % du marché mondial de la parfumerie et des cosmétiques. Pour Christine Lagarde, «la mondialisation de l’économie se double d’une mondialisation de la contrefaçon, qui peut nous laisser craindre une véritable contrefaçon de la mondialisation ».
Le rôle spécifique d’Internet dans la mondialisation de la contrefaçon
Grâce à la « toile », les contrefacteurs peuvent rester cachés et se « déplacer rapidement en cas de repérage». L’utilisation de cet outil technologique moderne favorise une forte réactivité, qui facilite ainsi une mise sur le marché des produits contrefaisants presque simultanément aux produits authentiques.
Les dangers de la contrefaçon
Véritable fléau économique et social, touchant même à la santé et à la sécurité des consommateurs, la contrefaçon fait des ravages. Toute création peut être contrefaite, copiée et illégalement importée. Les profits engendrés sont considérables.
Un enjeu de santé publique : l’altération de la confiance accordée par le consommateur
La marque est d’une part un gage de sécurité puisque dans le domaine particulier de l’élaboration des produits cosmétiques, les industriels sont tenus au respect de lourdes réglementations nationales et communautaires. De plus, les modes de distribution exclusifs rassurent le consommateur quant à la provenance et l’origine des produits. Au contraire, les contrefaçons, elles, élaborées sans contrôle de quelque nature que ce soit, font courir au consommateur des risques importants (allergies et autres effets indésirables).
Les contrefacteurs n’hésitent pas, dans un souci d’économie, à mettre en jeu la santé de l’acheteur, utilisant des composants chimiques dangereux. La marque est d’autre part un gage de qualité du produit. Dès lors s’agissant des parfums, l’utilisation de « jus » de qualité médiocre ne présentant qu’une vague ressemblance olfactive avec ceux des marques notoires, a des conséquences certaines : le parfum s’évapore et « tourne » très rapidement. Ainsi, la contrefaçon porte atteinte à la stabilité des économies de marché, basées sur la confiance des consommateurs dans l’innovation, la qualité et la sécurité des produits de marque.
Un enjeu économique pour l’industrie du luxe et pour le marché concurrentiel
« Les violations des droits de propriété intellectuelle nuisent aux intérêts économiques, fiscaux et commerciaux des parties contractantes ». En effet, la contrefaçon tue les efforts d’innovation des industriels, engendre des risques de « banalisation » de leurs produits et de « dévalorisation de leur image ». Or, si l’image de marque des industries du luxe est touchée, c’est l’essentiel de leur capital qui est atteint, ces derniers dépensant des sommes considérables en matière de recherche, développement, marketing et communication.
Le jeu de la concurrence honnête est donc faussé. Si la contrefaçon a pour effet de chasser l’emploi, elle entraîne également, en raison des circuits clandestins qu’elle emprunte, de lourdes pertes de « recettes fiscales, les ventes réalisées ne pouvant être taxées, pas plus que les revenus tirés de ces ventes ». Pour la Chambre internationale de commerce, la contrefaçon représente chaque année pour les Etats un manque à gagner fiscal de 3 milliards d’euros pour les seuls parfums et cosmétiques.
D’une délinquance ordinaire au crime organisé
En juillet 2003, Ronald K. Noble avait souligné que « le lien entre les groupes du crime organisé et les produits de contrefaçon est bien établi, mais nous tirons la sonnette d’alarme, car l’atteinte à la propriété intellectuelle est en train de devenir la méthode de financement préférée des terroristes ». Il souligne ainsi l’existence de liens patents entre la criminalité organisée et la contrefaçon, comme l’illustre le rapport « contrefaçon et criminalité organisée » publié par l’UNIFAB en 2005. La contrefaçon est d’ailleurs un vecteur dangereux du travail clandestin et de l’immigration clandestine qui permet d’accroître les profits des activités criminelles.
Un lien avec le grand banditisme et le terrorisme
Selon le service central de prévention de la corruption, « la contrefaçon entretient des liens étroits avec les trafiquants de drogue, d’armes et les milieux terroristes ». En effet, bien qu’utilisant les mêmes moyens opérationnels que ces trafics, notamment les structures de production, les lieux de stockage, les moyens de transport et les réseaux de distribution, elle présente un avantage certain pour les criminels.
Une rentabilité extrêmement élevée
Le marché du luxe, cible privilégiée des contrefacteurs, assure un prix de vente élevé du produit fini donc une marge commerciale confortable eu égard à la qualité médiocre et douteuse des matières premières utilisées dans la confection du « jus ». Le fait de prétendre vendre un produit authentique permet ainsi aux contrefacteurs de « surfer » sur la renommée et l’attractivité des marques prestigieuses, sans bourse délier.
Ils s’approprient ainsi à moindre frais les investissements financiers des entreprises du luxe – pour concevoir des fragrances nouvelles – par la commercialisation de parfums présentés comme des équivalents, mais également par la reconstitution de gammes identiques de produits. Des économies substantielles sont également réalisées lors du transport et du stockage de ces parfums et cosmétiques contrefaisants à valeur unitaire élevée pour un faible encombrement.
L’impunité de la copie olfactive
Les contrefacteurs savent tirer profit de l’absence d’un droit privatif reconnu au créateur du parfum. La particularité de ce secteur est en effet la non-protection de la fragrance ou « jus », dès lors, on ne pourra agir sur le terrain de la contrefaçon que si l’aspect extérieur du produit, à savoir la bouteille et/ou l’emballage sont imités.
La seule alternative possible reste alors une action en responsabilité délictuelle pour des actes de parasitisme, fondée sur l’article 1382 du code civil. Or, ce qui frappe c’est évidemment la faiblesse de la sanction envisagée par cet article. En effet, en application du principe de la réparation intégrale, les dommages-intérêts prononcés ne peuvent excéder les contours du préjudice. Dès lors, l’acte de contrefaçon révèle une réelle « rationalité économique » lorsque l’on met en balance les risques encourus par la pauvreté d’une sanction et le profit tiré d’un acte de parasitisme.
[i]Directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 sur les marques