Cette méthodologie est commune aux analyses réalisées sur des prélèvements de boulettes et galettes de pétroles lorsque la pollution est déjà ancienne (supérieure à quelques semaines), que les conditions climatiques (température, ensoleillement) sont favorables à une rapide évaporation des fractions les plus légères et qu’il faut alors aller identifier des composants plus lourds et difficiles à mettre en évidence pour caractériser l’origine de la pollution.

 

Généralités sur la composition des pétroles et hydrocarbures

Le pétrole brut provient de la biotransformation d’une grande variété de matières organiques sur de très longues périodes et différentes conditions géologiques et thermiques. Il est principalement composé de molécules constituées de carbone et d’hydrogène (hydrocarbures), mais également de petites quantités d’hétéroatomes (Soufre, Oxygène, azote) et quelques éléments métalliques en traces.

Les produits pétroliers raffinés et finis sont obtenus par distillation du pétrole brut. Ils présentent le plus souvent une empreinte chimique unique caractéristique du pétrole brut d’origine et des procédés de raffinage.

 

Origine des pétroles

Les pétroles contiennent plusieurs milliers de molécules différentes regroupées en familles :

  • hydrocarbures saturés,
  • hydrocarbures insaturés,
  • hydrocarbures monocycliques
  • hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)

Mais les hydrocarbures que l’on retrouve dans la nature peuvent aussi être d’origine non-pétrolière :

– anthropiques (issus de l’activité humaine, industrie du charbon, pyrogénique, lixiviation des bitumes …)

– biogénique (issus de la biotransformation de la matière organique

 

Méthodes d’identification de l’origine des pollutions

Les méthodes de séparations avancées (GC/FID, GC/MS) permettent de caractériser :

  • la nature de l’hydrocarbure
  • les différentes sources d’hydrocarbures de même nature
  • l’état de vieillissement et de dégradation du produit pétrolier
  • les sources de l’hydrocarbure identifié (par la distribution des HAP et les biomarqueurs)*

* Les différents rapports calculés à partir des quantifications des HAP et des biomarqueurs sont les rapports n-C17/pristane, nC18/phytane, rapport Pristane/phytane, les composés aromatiques, les stéranes et les triterpanes, ainsi que les biomarqueurs complexes (sesquiterpanes, terpanes tri et tétra-cycliques, voire tétra- et même penta-cycliques).

 

Enfin, on peut même aller jusqu’à mesurer les ratios isotopiques, ce qui permet de différencier des molécules de structures chimiques identiques, mais d’origines différentes.

 

Choix de la méthode

Il existe un certain nombre de méthodologies adaptées aux analyses de résidus pétroliers :

Les kits de terrain

  • sont destinés à fournir très rapidement une évaluation de la présence / absence de pollution et de donner une idée de son ampleur. Elle ne permet pas de mettre en évidence des caractères de discrimination vis-à-vis de pollutions polymorphes.
  • Sont efficaces pour évaluer les familles de polluants, mais pas pour en discriminer la composition.
  • Ils présentent une forte incertitude qui dépend de nombreux facteurs (concentration, spectre de la pollution, nature des sols, état des lampes de détection …

 

Les méthologies de laboratoire

Les analyses de laboratoire produisent une lecture beaucoup plus précise des différents constituants présents dans l’échantillon que les kits de terrain, et permettent d’en connaître l’origine.

 

La méthode NF EN ISO 16703 d’Août 2011 [i]

La méthode AFNOR a été développée pour être mise en œuvre et caractériser très rapidement après les accidents la nature des pollutions. Les conditions opératoires sont les suivantes :

Colonne : VF-5ht 15 m x 0,25 mm x 0,10 µm. Technique d’injection : « splitless » (30 sec). Température d’injection : 300 °C. Volume d’injection : 2 µl. Gaz vecteur : hélium (7.10). Programme de température du four : 40 °C pendant min, 20 °C/min jusqu’à 300 °C, 300 °C pendant 7 min. Détecteur : détecteur à ionisation de flamme. Température du détecteur : 330 °C.

Cette méthode consiste à co-chromatographier en GC-FID l’extrait organique S/L, préalablement purifié sur colonne de florisil (élimination des composés polaires et les plus lourds) avec du décane et du tétracontane (respectivement C10H22 et C40H82). On utilise pour cela des colonnes courtes (5 à 15 m) et des programmations en températures très rapides (20 à 30°C/min). On obtient dans ces conditions un massif de composés non résolus que l’on intègre ensuite entre nC10 et nC40.

  • la purification sur Florisil n’est pas parfaite et aboutit à une pseudo fraction F1+F2 sans qu’il y ait réellement d’info sur F1 et F2, avec pour conséquence une perte importante de résolution
  • La quantification se fait ensuite en faisant référence à un mélange huile minérale/huile diesel qui est chromatographié et intégré dans les mêmes conditions.

Cette méthode n’est malheureusement pas adaptée à une description précise permettant d’identifier a posteriori l’origine de la pollution.

En particulier dans le cas de prélèvements réalisés plusieurs semaines après survenue d’une pollution, cette méthode ne permettrait plus de faire une caractérisation suffisante pour procéder par la suite à une identification de l’origine par comparaison avec des prélèvements réalisés à l’origine.

Methode par gravimétrie, et analyse de toutes les fractions isolées

On préfère donc dans ces situations une méthode de type « analyse fine » mise en œuvre dans les laboratoire de recherche spécialisés les plus avancés dans le domaine [ii], procédure expérimentale basée sur une première étape de gravimétrie. Cette méthode, lourde, complexe mais particulièrement précise, permet de déterminer les origines des pétroles par identification, quantification et traitement informatique de certains constituants spécifiques dénommés « biomarqueurs », ou de rapports (alcanes/isoprénoides, nC17/nC18)

Contrairement aux méthodes rapides, cette méthode permet d’obtenir le profil précis de chaque fraction purifiée (ce qui fait partie de la mission « décrire la nature de la pollution ») et permettra par la suite, du fait d’une analyse très fine de la composition des résidus prélevés, d’en identifier l’origine. La première étape de purification sur Silice/alumine est beaucoup plus longue et fastidieuse (x 30) mais beaucoup plus précise et permet d’évaluer séparément F1 de F2 (les hydrocarbures totaux). La détermination gravimétrique qui suit est directe et beaucoup plus précise, car elle ne met pas en œuvre un dosage utilisant un étalon qui reste un compromis car il concerne des résidus lourds.

Par ailleurs, les séparations réalisées en conditions chromatographiques analytiques (colonnes longues et rampes faibles) permettent de séparer tous les composés et apportent une dimension au niveau de la caractérisation qu’il n’est pas possible d’obtenir avec la méthode AFNOR, comme par exemple distinguer le nC17 du Pristane et le nC18 du phytane ce qui permet de calculer des indices importants et très discriminants.

Enfin, ce mode opératoire ajoute une troisième dimension à l’analyse, ce qui la rend beaucoup plus discriminante que la méthode AFNOR et permet également de travailler sur les marqueurs et les HAP sans être interféré par des co-élutions.

Normes et textes en vigueur

Peu de textes encadrent les limites des contaminations des sols par pollutions d’hydrocarbures, sinon l’arrêté du 12 décembre 2014 relatif aux conditions d’admission des déchets inertes dans les installations relevant des rubriques 2515, 2516, 2517 et dans les installations de stockage de déchets inertes relevant de la rubrique 2760 de la nomenclature des installations classées[i]qui fixe la valeur limite de HAP à respecter à 50mg/kg de résidu sec.

 

Par ailleurs, concernant les sédiments (le sable) et en l’absence de réglementation précise, les valeurs écotoxicologiques admises par toute la profession sont celles qui résultent des travaux de E.R Long, and L.G Morgan,  L.J Field, D.D MacDonald dans les années 1990 – 2000 [ii]

 

Références écotoxicologiques : Les travaux de Long, Morgan, Field et Mac Donald

Les recommandations pour la qualité des sédiments fournissent des repères scientifiques et valeurs de référence aux fins de l’évaluation du risque d’occurrence d’effets biologiques néfastes dans les systèmes aquatiques. Le protocole utilisé pour établir les recommandations pour la qualité des sédiments est fondé surune variante de la démarche adoptée dans le National Status and Trends Program (NSTP modifié).

Dans ce modèle, les données chimiques et biologiques ont été colligées de façon synoptique à partir de nombreuses études pour établir une relation entre la concentration de chaque substance chimique dosée dans les sédiments et les effets biologiques néfastes observés.

On a compilé les données de cooccurrence dans une base de données appelée Biological Effects Database for Sediments (BEDS) afin de calculer deux valeurs.

  • La valeur la plus faible, appelée CSE est la concentration seuil correspond à la concentration en deçà de laquelle des effets biologiques néfastes sont rarement observés. (concentrations inférieures à la CSE produisant des effets néfastes dans moins de 25 % des cas),
  • La valeur la plus élevée dénommée CEP correspond à la concentration au-delà de laquelle des effets biologiques néfastes sont fréquemment observés.

En calculant les CSE et les CEP à l’aide d’une formule normalisée, on peut définir trois plages constantes de concentrations de produits chimiques :

  • plage des concentrations les plus faibles produisant un effet, à l’intérieur de laquelle des effets néfastes sont rarement observés (concentrations inférieures à la CSE produisant des effets néfastes dans moins de 25 % des cas),
  • plage des effets possibles, à l’intérieur de laquelle des effets néfastes sont occasionnellement observés (soit la plage qui se situe entre la CSE et la CEP)

plage des effets probables, à l’intérieur de laquelle des effets biologiques néfastes sont fréquemment observés (concentrations supérieures à la CEP produisant des effets néfastes dansplus de 50 % des cas). La définition de ces plages est fondée sur l’hypothèse selon laquelle la probabilité qu’une exposition à un produit chimique produise des effets toxiques augmente en proportion de la concentration de cette substance dans les sédiments

[i]arrêté du 12 décembre 2014 relatif aux conditions d’admission des déchets inertes dans les installations relevant des rubriques 2515, 2516, 2517 et dans les installations de stockage de déchets inertes relevant de la rubrique 2760

[ii]Références bibliographiques qui détaillent les référentiels d’interprétation des résultats :

– Long, E. R., and L G. Morgan. 1990. The potential for biological effects of sediment-sorbed contaminants tested in the National Status and Trends Program. NOAA Tech. Memo. NOS OMA 52. US National Oceanic and Atmospheric Administration, Seattle, Washington, 175 pp.

– Long ER, Field LJ, MacDonald DD (1998) Predicting toxicity in marine sediments with numerical sediment quality guidelines. Environ Toxicol Chem 17:714–727